Les relations restent des plus compliquées entre l'Arménie et la Turquie, d'un point de vue historique et politique. De ce fait, la question est de savoir comment deux pays ennemis peuvent se pardonner après tant d'années de conflit.
Un processus de paix ne se limite pas à un accord politique passé entre gouvernants et élites pour être ensuite imposé aux populations concernées. Bien au contraire, il suppose l’investissement de ces populations qui ont à comprendre et à porter les enjeux politiques, mais surtout sociaux, économiques et culturels d’un tel processus. A travers différents conflits réglés (France-Allemagne) et non réglés (Russie-Ukraine), l’Histoire donne des éléments d’explication.
Faire la paix est donc une tâche résolument compliquée. D’après Jean-Jacques Patry, « la paix vient de la sagesse des hommes d’Etat à la fin d’un conflit ». Il est vrai que le général De Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer ont joué un rôle primordial dans la réconciliation franco-allemande post 1945. Mais depuis, des chefs d’État ont rarement pu mettre fin à un conflit par la négociation.
Video du sociologue
Née à la suite de la Seconde Guerre mondiale après la victoire des communistes emmenés par Tito, la Yougoslavie n'est pas un pays avec une longue histoire. En 1945, Tito arrive à rassembler les peuples yougoslaves dans un même État fédéral, au prix d’une répression politique de masse.
Cependant, les affrontements et les massacres qui ont eu lieu pendant la Seconde Guerre mondiale ont pu susciter au sein des populations des ressentiments importants qu’il était interdit d’évoquer sous Tito, mais dont la trace restait souvent vivace au sein des familles issues de chaque communauté. Jusqu'en 1970, la cohabitation entre les différents peuples ne connaît pas de difficultés, grâce notamment à l'absence d'élections libres.
Mais tout bascule après la mort de Tito le 4 mai 1980, les revendications démocratiques commencent alors à voir le jour. La crise économique qui frappe la Yougoslavie accélère le basculement du pays. L'effondrement du bloc soviétique rend crédible l'idée selon laquelle les aspirations nationales sont la réponse à la crise vécue.
L’arrivée de Slobodan Milosevic à la tête du parti communiste serbe en 1987, avec l’idée d’unifier les Serbes de Yougoslavie dans un même pays, précipite la région dans le chaos. La rivalité entre Croates et Serbes va se transformer en guerre ouverte, chacun souhaitant rassembler son peuple au sein d’un État. La Slovénie et la Croatie déclarent leur indépendance avec l’aval des Européens.
Multiethnique, la Bosnie entre à son tour en guerre en 1992 juste après avoir déclaré son indépendance. Entre le 11 et le 15 juillet 1995, 8 000 musulmans sont massacrés à Srebrenica en Bosnie, sous les yeux de 400 casques bleus néerlandais. Le conflit se solde par l’éclatement de la Yougoslavie, donnant naissance à de nouveaux pays. La paix prend forme avec la signature des accords de Dayton le 14 décembre 1995. Avant de nouvelles luttes armées, au Kosovo et Macédoine notamment...
Contexte géopolitique
Et maintenant?
L’Organisation des Nations Unies, l’Union Européenne ou l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sont les instances qui doivent jouer ce rôle de médiateur dans le but de favoriser le dialogue et la négociation entre l’Est et l’Ouest. Hélas les divergences au sein des pays membres de ces organisations empêchent souvent une avancée majeure. C’est pourquoi, de plus en plus, on demande à des « petits » pays, à l’image de la Suisse ou les pays d’Europe du Nord de jouer ce rôle crucial de médiateur. En effet, eux ne peuvent pas être accusés de privilégier leurs intérêts économiques ou autres.
Aujourd’hui tout ceci a changé, le monde n’est plus bipolaire, et les acteurs se sont multipliés. On peut notamment distinguer au Moyen-Orient une lutte d’influence entre l’Iran et l’Arabie Saoudite qui donne lieu à des conflits par procuration, au Yémen par exemple. En République Démocratique du Congo, on assiste à une scène similaire, les accords de Suncity signés en 2002, ne peuvent pas être appliqués en raison de l’implication de pays voisins tels que le Rwanda et l’Ouganda. Un processus de paix prend du temps en raison des réticences que peut avoir l’opinion publique, mais des exemples ont prouvé que ce n’est pas impossible. En Yougoslavie, région qui a eu son lot de massacres et d’atrocités, la situation actuelle est assez encourageante.
"La vengeance, ce n’est pas la seule forme de l’honneur."
Catherine Lalumière
Ex-vice-présidente du Parlement Européen
" Je prends toujours l’exemple franco-allemand. Après la guerre, cette réconciliation semblait inenvisageable, les souffrances étaient trop fortes, les tués trop nombreux. Pardonner est une question de volonté politique."
Catherine Lalumière
Ex-vice-présidente du Parlement Européen
PARDONNER, UN PROCESSUS D'ABORD POLITIQUE
Yitzhak Rabin (Premier ministre israélien), Bill Clinton (Président des États-Unis) et Yasser Arafat (Président de l'Organisation de libération de la Palestine)
devant la Maison Blanche après la signature des accords d'Oslo le 13 septembre 1993
Après la Seconde Guerre mondiale, le peuple juif, persécuté, hérite d'un "foyer national juif" en Palestine : c'est la naissance d’Israel. Son indépendance est proclamée le 14 mai 1948. Les pays arabes voisins, qui contestent la création d’Israël, attaquent le nouvel État dans la journée.
Depuis, le Proche-Orient connaît une succession de conflits. De la première guerre israélo-arabe (1948) gagnée par Tsahal (armée de défense) jusqu’aux conflits récents dans la bande de Gaza, c'est une dizaine d'oppositions armées à laquelle a pris part Isräel.
Des tentatives de négociations ont pourtant rythmé ces 70 années de conflits. Le premier pas a lieu en 1978 quand Anouar El-Sadate, président Egyptien, et Menahem Begin, Premier ministre israélien signent les accords de Camp David. C’est le premier traité de paix entre Israël et un pays arabe, symbole de l’amélioration des relations dans la région. Mais un conflit reste à ce jour problématique : la question israélo-palestinienne.
D’un côté, Israël, principal allié des Etats-Unis et doté d’une armée suréquipée. De l’autre, les territoires palestiniens, quasiment sans défense et presque coupés du monde. Israël bénéficie d’une certaine impunité aux yeux d’une communauté internationale qui ne cesse de s’émouvoir… sans jamais intervenir.
Le dernier conflit armé date de l’été 2014 et a fait 2 220 morts selon les Nations Unies, dont 1 492 civils. Un chiffre qui donne encore plus de poids aux témoignages glaçants de plus de 60 officiers et soldats israéliens publiées par l’ONG israélienne Breaking The Silence.
Les États-Unis, par l’intermédiaire du secrétaire d’Etat John Kerry, semblent vouloir trouver une solution par des négociations entre les deux parties. Mais l’élection remportée par le Likoud (droite israélienne) et les multiples déclarations du Premier ministre Benjamin Netanyahou pendant la campagne législative ne laissent présager aucune solution à court terme.
Zoom
L'éclatement de la Yougoslavie
Israël - Palestine : L'impasse
____________________________________________________________________________________________________________________
Haut de page
Introduction
"C'est un scandale du point de vue moral et un acte criminel.
Cette folie doit cesser"
Ban Ki-moon
secrétaire général de l'ONU
03.08.2014
(après le bombardement d'une école à Rafah)
Chaque conflit à sa propre histoire. Difficile donc d’appliquer un simple mode d’emploi pour aboutir à une paix durable entre des pays en guerre. Par exemple, près de quinze ans après la fin du conflit yougoslave, les blessures tardent à se cicatriser même si l'apaisement s'est installé. A contrario, depuis presque 70 ans, le conflit israélo-palestinien déchire le Proche-Orient. Difficile d'envisager une fin des hostilités entre les deux pays si une paix n'est pas souhaitée.
Jean-Jacques Patry : docteur en sciences politiques
chargé de mission à la Fondation pour la recherche stratégique
Carte intertactive : Des grands conflits depuis la Seconde Guerre mondiale
Cliquez sur les pays pour plus de détails
